C’est une rue tousiours neufve, tousiours royale, tousiours impériale, une rue patrioticque, une rue à deux trottoirs, une rue ouverte des deux bouts, bien percée, une rue si large que iamais nul n’y ha crié : Gare ! une rue qui ne s’use pas, une rue qui mène à l’abbaye de Grant-Mont et à une tranchée qui s’emmanche trez-bien avecques le pont, et au bout de laquelle est ung beau champ de foire ; une rue bien pavée, bien bastie, bien lavée, propre comme ung mirouer, populeuse, silencieuse a ses heures, cocquette, bien coëffée de nuict par ses iolis toicts bleus ; brief, c’est une rue où ie suis né ; c’est la royne des rues, tousiours entre la terre et le ciel, une rue à fontaine, une rue à laquelle rien ne manque pour estre célébrée parmi les rues ! Et, de faict, c’est la vraie rue, la seule rue de Tours.
Honoré de Balzac, L'Apostrophe