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[Lettre du Dr Nacquart à Honoré de Balzac (1/2)]

[Lettre du Dr Nacquart à Honoré de Balzac (1/2)]
Honoré de Balzac

Lettre du Dr Nacquart à Honoré de Balzac, Paris, le 29 octobre 1835. Corr. Pl., t.I, 35-132, p.1142.

Coll. Maison de Balzac, Paris, inv. 93-17 (9).

 

Folio 1

 

Mon digne ami, je dois

vous avouer que rien ne m’a

jamais plus flatté, plus élevé

à mes propres yeux que l’envoi

que vous m’avez fait des épreuves

de votre Lys. Si ces pages sont

destinées à une longue gloire,

le labeur auquel elles auront

donné lieu, prouvera au

besoin toute la portée de

votre imagination, toute

la sagacité de votre pénétration,

et toute votre persévérance

dans l’exécution d’une œuvre.

Ce sont de pareils monuments

qu’il faudrait offrir aux yeux de

ceux qui croient que le beau

artistique s’improvise ! Quelle

leçon aussi pour ce public

 

Folio 2

 

qui se persuade que les

produits intellectuels qu’il

accueille avec tant de légèreté,

ont été conçus et achevés, avec

la même facilité ! Je voudrais

que ma bibliothèque eût un

de ses compartiments au centre de

la place Vendôme pour que

les amis de votre génie devinssent

aussi les appréciateurs de votre

consciencieuse ténacité. Ils se

demanderaient, en tournant mes

feuillets, comment le feu ne

s’éteint pas dans des dissections si

multipliées et si minutieuses !

Au surplus, si je vous aimais

moins, il serait dans le charme

et dans l’intérêt de ma nouvelle

possession, qu’un bon coup de

 

Folio 3

 

ciseau de l’ancienne parque,

arrêtât mon auteur, au jour de

l’accomplissement de sa dernière

épreuve. Biographes, bibliographes,

érudits, curieux, amateurs,

harcèleraient bientôt le marteau

de ma porte. Dieu et le plaisir

de la portion intelligente de

notre espèce, veuillent que mon

volume, sculpté par vos veilles,

soit longtemps un monument

contemporain !

Je n’ai guère la force de vous

remercier de votre projet de dédicace,

à moins que je n’y voie l’œuvre

d’un ami qui médite une assomption.

Qu’ai je fait ? j’ai émietté une

vie, pour laquelle peut-être, la

nature et le travail avaient, si ne me

fais illusion, préparé un champ

plus large. Il fallait, il y a trente

ans, associer un verbe d’avenir,

 

Folio 4

 

à un verbe du présent : vouloir

à pouvoir. Est-ce que vous

songeriez à raviver leur agrégation ?

Croyez, au surplus, que personne

au monde, ne pouvait plus

sincèrement apprécier la délicatesse

de votre double souvenir. Les miens

me rappèlent [sic] que j’ai toujours

eu foi en votre avenir.

Adieu, mon glorieux et

noble ami. Mille expressions

d’âme et mille tendresses de

cœur.              Nacquart

 

29 8bre 1835.

 

            tenez vous au mot pâtiment ?

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