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Le château de Méré - Artannes et Pont-de-Ruan

HONORE DE BALZAC EN TOURAINE

 

 

Je vous remercie mille fois Monsieur d’avoir bien voulu penser à moi ; mais au reste le souvenir aimable de votre part n’est peut-être qu’une juste réciprocité de celui que je vous garde, et de tout le plaisir que je goûtais à vous entendre lire vos charmants ouvrages.[1]

Lettre de la Baronne Deurbroucq à Honoré de Balzac, Jarzé, 8 juillet 1832

 

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Un projet de mariage pour M. de Balzac

 

Au cours de ses séjours en Touraine, Balzac côtoie à plusieurs reprises la riche famille Landriève des Bordes qui réside à Artannes. En 1823, lors d’un bal à Tours, il rencontre Claire, l’une des filles de M. Landriève des Bordes. Selon Balzac, elle est alors « toujours si petite qu’on ne l’épousera que pour en faire une épingle de chemise »[2].

 

Cependant les trois filles Landriève des Bordes sont un parti intéressant. Ainsi, sur les recommandations de Mme Charles, plus connue sous le nom de Julie Bouchaud des Hérettes, ou Elvire, la muse de Lamartine, M. Landriève des Bordes, alors maire d’Artannes, marie l’une de ses filles, Thaïs, au comte de Loménie, neveu de Julie.[3] En juillet 1825, il marie sa fille Charlotte, au baron Pierre-Jean Deurbroucq, de quarante ans son aîné. Le maire de Saché, M. Lebreton de Vonnes, figure parmi les témoins[4]. Balzac, en séjour chez M. Margonne au début de l’automne 1825, a peut-être eu connaissance de cette union.

 

En 1831, alors que Balzac est à Saché, Charlotte rend visite à ses parents après le décès de son mari. Un an plus tard, Balzac semble avoir jeté son dévolu sur Charlotte. Il s’apprête à la demander en mariage par l’intermédiaire de Claire. Claire lui a dit depuis 3 mois que je l’aime, et Claire doit m’écrire quand madame Deurbroucq sera à Méré[5]. En juin 1832, depuis Saché, Balzac se rend trois fois par semaine à Méré dans l’espoir d’y voir Charlotte. Après avoir reçu de sa part un mot poli[6] pour le remercier des Scènes de la vie privée, il finit par apprendre qu’elle a reporté sa venue au mois d’octobre. Il décide donc d’aller à Angoulême pour ne pas être 6 mois chez M. Margonne[7]. Par la suite, ce projet de mariage semble avoir été abandonné : on ne trouve mention d’aucune rencontre entre Balzac et Mme Deurbroucq au cours de l’automne 1832 ou des années suivantes[8].

 

Le domaine de Méré dans la première moitié du XIXe siècle

 

Le 9 avril 1774, Jean-Marie Landriève des Bordes, secrétaire honoraire du roi et commissaire de marine, acquiert le domaine de Méré auprès de Jean-Louis Courier, père du célèbre pamphlétaire. Situé sur les communes d’Artannes et de Pont-de-Ruan, ce domaine comprend alors le manoir de Méré, construit au XVIIIe siècle[9],  ainsi que les fermes de la Turbellière[10] et des Granges, desquelles on aperçoit la vallée de l’Indre, les châteaux de Valesnes et la Chevrière.[11]

 

 

L’un des fils de Jean-Marie Landriève des Bordes, Antoine-Gilles, émigré en Amérique en 1792, revient en France sous le Consulat et s’installe à Méré. Il est maire d’Artannes pendant la Restauration.[12] En 1841, les Landriève des Bordes mettent en vente le domaine de Méré. D’abord acquis par M. Gustave de Cougny, le domaine est revendu en 1844 à Alexandre Goüin, banquier à Tours, député, ministre de l’Agriculture et du Commerce dans le ministère Thiers.[13]

 

Il semble que Balzac soit retourné à Méré lors de ses derniers séjours à Saché, en 1846 ou en 1848. Ainsi, d’après Amédée Salmon de Maison-Rouge, il arriva un jour que les châtelains de Saché et M. de Balzac, leur hôte, allèrent dîner à Artannes, chez M. Gouïn, le père de M. Eugène Gouïn, actuellement sénateur, à sa propriété qui s’appelle Méré.[…]A la soirée, où se trouvait une brillante société, M. de Balzac, peut-être un peu stimulé par les bons vins du pays, pressé de questions sur le roman qu’il écrivait, contre son habitude donna quelques détails, puis, sa verve s’échauffant, il en narra des passages, et enfin, s’oubliant tout à fait, il devint acteur de son œuvre, se mit en scène, et avec l’art d’un comédien consommé, d’autant plus naturel qu’il s’ignorait lui-même dans cet art, fit parler ses personnages, les mima avec une finesse d’esprit très grande et tint tous les assistants sous le charme.[14]        




[1] Lettre de la Baronne Deurbroucq à Balzac, Jarzé, 8 juillet 1832, Corr, III, p.45-46.

[2] Lettre d’Honoré de Balzac à Laure Surville,  Corr, I, p.221-222.

[3] AUVRAY Henri M., En marge d’un projet de mariage en Touraine, in Balzac à Saché, n°1, p.24-25.

[4] Ibid., p.25.

[5] Lettre d’Honoré de Balzac à Laure Surville, Angoulême, 20 juillet 1832, Corr, III, p.63.

[6] Lettre d’Honoré de Balzac à Mme B.F Balzac, Saché 15 juillet 1832, Corr, III, p.52.

[7] Ibid., p.52.

[8] AUVRAY Henri M., art.cit., p.25.

[9] Jean-Marie COUDERC (dir), Dictionnaire des communes de Touraine, CLD, Chambray-les-Tours, 1987, p.122.

[10] Selon  une tradition locale, Balzac évoquerait ces deux fermes dans son roman Le Lys dans la vallée, notamment la ferme de la Turbellière et son pigeonnier : « Imaginez au-delà du pont deux ou trois fermes, un colombier, des tourterelles, une trentaine de masures séparées par des jardins, par des haies de chèvrefeuilles, de jasmins et de clématites ; puis du fumier fleuri devant toutes les portes, des poules et des coqs par les chemins ? voilà le village du Pont-de-Ruan, joli village surmonté d'une vieille église pleine de caractère, une église du temps des croisades, et comme les peintres en cherchent pour leurs tableaux. », in Le Lys dans la vallée, Pléiade, IX, p.988-989.

[11] AUVRAY Henri M., art.cit., p.24.

[12] Ibid., p.25.

[13] Ibid., p.26.

[14] Amédée SALMON DE MAISON-ROUGE, Souvenirs intimes de Balzac en Touraine,  in Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, Tome XII, 1899.

 

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