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Pont-de-Ruan

LES LIEUX DU ROMAN

 

 

 

[…] voilà le village du Pont-de-Ruan, joli village surmonté d’une vieille église pleine de caractère, une église du temps des croisades, et comme les peintres en cherchent pour leurs tableaux. Encadrez le tout de noyers antiques, de jeunes peupliers aux feuilles d’or pâle, mettez de gracieuses fabriques au milieu des longues prairies où l’œil se perd sous un ciel chaud et vaporeux, vous aurez une idée d’un des mille points de vue de ce beau pays.

 

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée

 

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Le village de Pont-de-Ruan n’est pas un des lieu récurrents du roman. Néanmoins, Balzac en fait une longue et élogieuse description au tout début du récit, lorsque Félix de Vandenesse réalise son premier trajet à pied pour venir de Tours à Saché.

 

En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l’Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante, les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, les cigales criaient, tout y était mélodie. Ne me demandez plus pourquoi j’aime la Touraine ? je ne l’aime ni comme on aime son berceau, ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l’aime comme un artiste aime l’art ; je l’aime moins que je ne vous aime, mais sans la Touraine, peut-être ne vivrais-je plus. Sans savoir pourquoi, mes yeux revenaient au point blanc, à la femme qui brillait dans ce vaste jardin comme au milieu des buissons verts éclatait la clochette d’un convolvulus, flétrie si l’on y touche. Je descendis, l’âme émue, au fond de cette corbeille, et vis bientôt un village que la poésie qui surabondait en moi me fit trouver sans pareil. Figurez-vous trois moulins posés parmi des îles gracieusement découpées, couronnées de quelques bouquets d’arbres au milieu d’une prairie d’eau ; quel autre nom donner à ces végétations aquatiques, si vivaces, si bien colorées, qui tapissent la rivière, surgissent au-dessus, ondulent avec elle, se laissent aller à ses caprices et se plient aux tempêtes de la rivière fouettée par la roue des moulins ! Cà et là, s’élèvent des masses de gravier sur lesquelles l’eau se brise en y formant des franges où reluit le soleil. Les amaryllis, le nénuphar, le lys d’eau, les joncs, les flox décorent les rives de leurs magnifiques tapisseries. Un pont tremblant composé de poutrelles pourries, dont les piles sont couvertes de fleurs, dont les garde-fous plantés d’herbes vivaces et de mousses veloutées se penchent sur la rivière et ne tombent point ; des barques usées, des filets de pécheurs, le chant monotone d’un berger, les canards qui voguaient entre les îles ou s’épluchaient sur le jard, nom du gros sable que charrie la Loire : des garçons meuniers, le bonnet sur l’oreille, occupés à charger leurs mulets ; chacun de ces détails rendait cette scène d’une naïveté surprenante. Imaginez au delà du pont deux ou trois fermes, un colombier, des tourterelles, une trentaine de masures séparées par des jardins, par des haies de chèvrefeuilles, de jasmins et de clématites ; puis du fumier fleuri devant toutes les portes, des poules et des coqs par les chemins ? voilà le village du Pont-de-Ruan, joli village surmonté d’une vieille église pleine de caractère, une église du temps des croisades, et comme les peintres en cherchent pour leurs tableaux. Encadrez le tout de noyers antiques, de jeunes peupliers aux feuilles d’or pâle, mettez de gracieuses fabriques au milieu des longues prairies où l’œil se perd sous un ciel chaud et vaporeux, vous aurez une idée d’un des mille points de vue de ce beau pays.

 

Ce bourg est par ailleurs évoqué plus loin dans le récit, pour souligner l'étendue du domaine d'Henriette de Mortsauf  :

 

— Où faites-vous pêcher, lui dis-je, si vous ne pouvez pêcher que sur les rives qui sont à vous ?

— Près du pont de Ruan, me dit-elle. Ha ! nous avons maintenant la rivière à nous depuis le pont de Ruan jusqu’à Clochegourde. Monsieur de Mortsauf vient d’acheter quarante arpents de prairie avec les économies de ces deux années et l’arriéré de sa pension. Cela vous étonne ?

— Moi, je voudrais que toute la vallée fût à vous ! m’écriai-je.

Elle me répondit par un sourire. Nous arrivâmes au-dessous du pont de Ruan, à un endroit où l’Indre est large, et où l’on pêchait.

— Hé ! bien, Martineau ? dit-elle.

— Ah ! madame la comtesse, nous avons du guignon. Depuis trois heures que nous y sommes, en remontant du moulin ici, nous n’avons rien pris.

 

Nathanaël Gobenceaux (musée Balzac, Saché)

 

 

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