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La traversée de l'Indre

LES LIEUX DU ROMAN

 

 

Malgré la chaleur, après le déjeuner, je descendis dans la prairie afin d’aller revoir l’Indre et ses îles, la vallée et ses coteaux dont je parus un admirateur passionné […].

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée

 

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Dans Le Lys dans la vallée, Balzac situe la traversée de l’Indre entre Clochegourde et Frapesle, en contre-bas du château de Clochegourde. Dans la réalité, ce lieu pourrait correspondre à la Basse-Chevrière, hameau situé en bordure de l’Indre, bien qu’il n’apparaisse pas nommément dans le roman. Ce lieu semble en effet être évoqué à mots couverts : "— Ah ! madame la comtesse, nous avons du guignon. Depuis trois heures que nous y sommes, en remontant du moulin ici, nous n’avons rien pris." D’après J. C. Moreau, ce moulin fictif pourrait être une transposition du moulin de la Basse-Chevrière[1]

 

Ce moulin est un point d’accostage pour atteindre la rive nord de l’Indre, celle à proximité de laquelle se trouve le château de Madame de Mortsauf :

 

Malgré la chaleur, après le déjeuner, je descendis dans la prairie afin d’aller revoir l’Indre et ses îles, la vallée et ses coteaux dont je parus un admirateur passionné ; mais avec cette vélocité de pieds qui défie celle du cheval échappé, je retrouvai mon bateau, mes saules et mon Clochegourde. Tout y était silencieux et frémissant comme est la campagne à midi. Les feuillages immobiles se découpaient nettement sur le fond bleu du ciel ; les insectes qui vivent de lumière, demoiselles vertes, cantharides, volaient à leurs frênes, à leurs roseaux ; les troupeaux ruminaient à l’ombre, les terres rouges de la vigne brûlaient, et les couleuvres glissaient le long des talus. Quel changement dans ce paysage si frais et si coquet avant mon sommeil ! Tout à coup je sautai hors de la barque et remontai le chemin pour tourner autour de Clochegourde d’où je croyais avoir vu sortir le comte. Je ne me trompais point, il allait le long d’une haie, et gagnait sans doute une porte donnant sur le chemin d’Azay, qui longe la rivière.

 

La traversée se fait en barque, ou en toue [2], moyen de transport fréquent dans les régions ligériennes.

 

Depuis les hauteurs de Clochegourde, Félix et Madame de Mortsauf observent cette partie de la vallée de l’Indre :

 

— Vous avez grandi, me dit-elle en montant les escaliers. Quand nous fûmes au perron, elle m’agita le bras comme si mes regards l’atteignaient trop vivement ; quoiqu’elle eût les yeux baissés, elle savait bien que je ne regardais qu’elle ; elle me dit alors de cet air faussement impatienté, si gracieux, si coquet : — Allons, voyez donc un peu notre chère vallée ? Elle se retourna, mit son ombrelle de soie blanche au-dessus de nos têtes, en collant Jacques sur elle ; et le geste de tête par lequel elle me montra l’Indre, la toue, les prés, prouvait que depuis mon séjour et nos promenades elle s’était entendue avec ces horizons fumeux, avec leurs sinuosités vaporeuses. La nature était le manteau sous lequel s’abritaient ses pensées. Elle savait maintenant ce que soupire le rossignol pendant les nuits, et ce que répète le chantre des marais en psalmodiant sa note plaintive.

 

Nathanaël Gobenceaux (musée Balzac, Saché)

 



[1] Voir "Un point de topographie balzacienne : le moulin de la Basse-Chevrière est-il évoqué dans Le Lys dans la vallée", L’Année balzacienne, 1977, p. 288-289.

[2] Petit bateau plat pouvant faire fonction de bac.

 

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