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Les clos

LES LIEUX DU ROMAN

 

 

Nous allâmes par le plus beau temps vers les vignes, et nous y restâmes une demi-journée. Comme nous nous disputions à qui trouverait les plus belles grappes, à qui remplirait plus vite son panier ! C’était des allées et venues des ceps à la mère, il ne se cueillait pas une grappe qu’on ne la lui montrât.

 

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée

 

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Si la nature tient une place importante dans Le Lys dans la vallée, l’agriculture et la viticulture sont aussi l’objet de passages significatifs. Un long extrait évoque les vendanges en Touraine, vécues comme une véritable fête :

 

Les fruits sont tous mûrs. La moisson est faite, le pain devient moins cher, et cette abondance rend la vie heureuse. Enfin les craintes qu’inspirait le résultat des travaux champêtres où s’enfouit autant d’argent que de sueurs, ont disparu devant la grange pleine et les celliers prêts à s’emplir. La vendange est alors comme le joyeux dessert du festin récolté, le ciel y sourit toujours en Touraine, où les automnes sont magnifiques. Dans ce pays hospitalier, les vendangeurs sont nourris au logis. Ces repas étant les seuls où ces pauvres gens aient, chaque année, des aliments substantiels et bien préparés, ils y tiennent comme dans les familles patriarcales les enfants tiennent aux galas des anniversaires. Aussi courent-ils en foule dans les maisons où les maîtres les traitent sans lésinerie. La maison est donc pleine de monde et de provisions. Les pressoirs sont constamment ouverts. Il semble que tout soit animé par ce mouvement d’ouvriers tonneliers, de charrettes chargées de filles rieuses, de gens qui, touchant des salaires meilleurs que pendant le reste de l’année, chantent à tous propos.

 

Les vendanges sont aussi un moment où les classes sociales se confondent :

 

[…] femmes, enfants, maîtres et gens, tout le monde participe à la dive cueillette.

 

Ce passage est peut-être l’un des plus enjoués du roman où même les enfants de Mme de Morsauf sont particulièrement ragaillardis :

 

Jamais ces deux petits êtres, habituellement souffrants et pâles, ne furent plus frais, ni plus roses, ni aussi agissants et remuants que durant cette matinée. Ils babillaient pour babiller, allaient, trottaient, revenaient sans raison apparente ; mais, comme les autres enfants, ils semblaient avoir trop de vie à secouer ; monsieur et madame de Mortsauf ne les avaient jamais vus ainsi. Je redevins enfant avec eux, plus enfant qu’eux peut-être, car j’espérais aussi ma récolte. Nous allâmes par le plus beau temps vers les vignes, et nous y restâmes une demi-journée. Comme nous nous disputions à qui trouverait les plus belles grappes, à qui remplirait plus vite son panier ! C’était des allées et venues des ceps à la mère, il ne se cueillait pas une grappe qu’on ne la lui montrât.

 

Quant à Félix, il semble ravi de ce moment qu’il souhaite garder précisément en mémoire :

 

Je regardai les jolies baies couvertes de fruits rouges, de sinelles et de mûrons ; j’écoutai les cris des enfants, je contemplai la troupe des vendangeuses, la charrette pleine de tonneaux et les hommes chargés de hottes !... Ah ! je gravai tout dans ma mémoire, tout jusqu’au jeune amandier sous lequel elle se tenait, fraîche, colorée, rieuse, sous son ombrelle dépliée. Puis je me mis à cueillir des grappes, à remplir mon panier, à l’aller vider dans le tonneau de vendange avec une application corporelle, silencieuse et soutenue, par une marche lente et mesurée qui laissa mon âme libre. Je goûtai l’ineffable plaisir d’un travail extérieur qui voiture la vie en réglant le cours de la passion, bien près, sans ce mouvement mécanique, de tout incendier. Je sus combien le labeur uniforme contient de sagesse, et je compris les règles monastiques.

 

LES CLOS DANS LA RÉALITÉ

 

Au 19e siècle, la viticulture était présente sur la commune de Saché, notamment aux Platereaux. Dans les années 1830, cette ferme appartenait aux Margonne. Elle a pu être un lieu d’inspiration des scènes de vendanges du roman.

 

Nathanaël Gobenceaux (musée Balzac, Saché)

 

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