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L'église - Saché

HONORE DE BALZAC EN TOURAINE

 

 

Si vous aviez été ici, vous auriez été très édifié du curé de Saché, qui a tout contre lui, il est très borné, sans moyens, sans capacité ; mais il a la foi, c’est un curieux spectacle que ce digne homme et il vous aurait fait rire avec sa théologie, et tout ce qu’il disait à ses communiants. La gran’messe a duré longtemps ; et après n[ous] avons fait le whist toute la journée, car il a plu.

Lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, Saché, 12 juin 1848

 

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Les messes de Saché, selon Honoré de Balzac

 

Lors de ses séjours à Saché, Balzac assiste parfois aux messes de Louis Lucas (1798-1871), desservant de Saché depuis 1823[1].  Toutefois, il s’y rend avec un enthousiasme mesuré, comme en témoignent certaines lettres adressées à Mme Hanska : « Je viens de m’établir dans ma petite chambre, cette petite chambre où je vous ai tant écrit, où j’ai pensé à vous ; et mon premier soin est de vous écrire encore, au lieu d’aller à la messe, au grand scandale de la population femelle de Saché qui se compose de Mlle Alix et de Mme Donnadieu»[2]; « Aujourd’hui la Pentecôte ; il faut aller à la messe, il y a première communion à Saché, distribution de prix, etc. »[3].

 

Balzac remarque vraisemblablement la plaque funéraire située près du chœur de l’église et dédiée à Marguerite de Rousselé (1608-1628), la fille des propriétaires du château de Saché au début du XVIIe siècle. Sur cette plaque, une épitaphe en latin rend hommage à la jeune femme, nommée « dilecta » (la bien-aimée). Balzac attribuera ce même surnom à son premier amour, Laure de Berny. Il lui dédie Louis Lambert, roman en partie rédigé à Saché en juin-juillet 1832 : « Et nunc et semper dilectae dicatum »[4].

 

La chapelle seigneuriale

 

Le dimanche, de la chapelle réservée où j’étais à l’église avec monsieur, madame de Chessel et l’abbé de Quélus, je lançais des regards avides sur une autre chapelle latérale où se trouvaient la duchesse et sa fille, le comte et les enfants[5].

Extrait du roman Le Lys dans la vallée

 

L’église de Saché, bâtie au XIIe siècle, avait été remaniée au XIIIe siècle, puis agrandie au XVIe siècle par l’ajout d’une nef secondaire et d’une chapelle seigneuriale[6]. Peut-être comme héritage d’un ancien privilège, M. et Mme Margonne utilisaient-ils toujours cette chapelle lors des messes. Jean Buttet, leur grand-père, avait en effet obtenu l’usage privilégié de la chapelle en acquérant la seigneurie de Saché[7].

 

Mauvais paroissiens… ?

 

Sur un ton moqueur et désinvolte, Balzac décrit à Mme Hanska son hôtesse de Saché : « intolérante et dévote, bossue, peu spirituelle »[8].  De la même manière, Jacques Briau, le régisseur du domaine de Saché, trace un portrait peu flatteur de Mme Margonne. Selon lui, elle était « très petite de taille et petite d’esprit », «cette pauvre dame n’a jamais été aimée de son époux ».

 

Quant à M. Margonne, Jacques Briau estime qu’il « avait épousé sa cousine non par amitié pour elle, mais par convenance pour ne pas dire par avarice aussi », « il était d’un intérêt vil, il ne faisait pas gagner les malheureux et ne donnait jamais rien aux pauvres ».

 

 

Riches donateurs

Mme Margonne, née et baptisée à Saché, accorde une grande importance à son repos éternel dans son village natal. D’après la première version de son testament, rédigé en octobre 1834, elle prévoit qu’à sa mort soit remis au curé de Saché cent francs « à la charge pour lui de dire vingt-quatre messes » l’année suivant son décès, puis cinquante francs par an « pour dire douze messes chaque année pour le repos de mon âme ». Cependant, elle n’oublie pas les pauvres de la paroisse : elle prévoit un don de six cent francs échelonnés sur dix ans.

 

Depuis Saché, elle rédige en 1837 un codicille dans lequel elle prévoit en outre de léguer deux cent francs de rente à perpétuité pour l’école des jeunes filles de Saché « à condition que cette école soit toujours tenue par une ou deux religieuses, de sorte que si l’école cessait d’être tenue par des religieuses, la rente cesserait d’être servie». Elle précise également qu’en cas de décès à Saché, elle souhaite six prêtres auprès de son convoi funèbre et une distribution de cinquante francs aux pauvres de la paroisse le jour de son enterrement.

 

Mme Margonne meurt à Saché le 25 juillet 1841 ; son mari en est bien plus affecté que ce que laissaient entendre les propos cités précédemment. Tandis que le romancier comptait s’inviter à Saché, M. Margonne lui explique qu’il entend passer l’hiver à Paris et invite Balzac à reporter sa venue à l’année suivante : « Malgré la charmante description que vous avez faite de notre vallée dans vos ouvrages, elle n'est pas assez belle à mes yeux, qui la voient apparemment depuis trop longtemps, pour que j'y reste dans la solitude où je suis »[9]. Dans cette même lettre, il répond à Balzac qu’il n’entend pas se remarier : « le moyen que vous me proposez comme consolation est un peu vif et surtout bien prompt ; je crains bien d’ailleurs qu’il ne soit trop tard pour arriver au but que vous me proposez. Je n’ai pas aussi bonne opinion de moi-même que vous le pensez ».

 

M. Margonne meurt à Paris en 1858 ; son testament prévoyait un legs de deux mille francs à payer en deux ans aux pauvres de la commune de Saché.




[1] Michel LAURENCIN, « Les personnages tourangeaux dans l’œuvre d’Honoré de Balzac : de la fiction romanesque à la réalité historique », Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, 1998, p. 19.

[2] Lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, Saché, 4 juin 1848, LHB, II, p.860.

[3] Lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, Saché, 11 juin 1848, LHB, II, p.865.

[4] Dédicace du roman Louis Lambert.

[5] Le Lys dans la vallée, Pléiade, IX, p.1039.

[6] Ranjard, La Touraine archéologique, Mayenne, éditions Régionales de l’Ouest, 10e édition, 1994, p.579.

[7] Acte d’acquisition du domaine de Saché par Jean Buttet, 4 septembre 1779, AD37 112J39.

[8] Lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, Saché, fin mars 1833, LHB, I, pp.36-37.

[9] Lettre de M. Margonne à Balzac, Saché, 20 novembre 1841, Corr., IV, pp.342-343.

 

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