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La gare - Tours

HONORÉ DE BALZAC EN TOURAINE

 

 

Balzac, entre Paris et Tours 

Lorsque Balzac vient à Saché, il lui faut compter entre 24 et 27 heures de voyage depuis Paris jusqu’à Tours selon qu’il utilise les diligences des Messageries royales ou celles des Messageries générales de France [1]Pour ces longs trajets, le romancier semble parfois avoir quelques préférences de placement : « Mon vieux camarade, fais-moi le plaisir de me retenir ma place dans le coupé, je veux un coin, pour lundi prochain, à la diligence qui pourra me l’assurer ce jour-là »[2].  À partir de 1846, Balzac entend profiter de la mise en place de la ligne de chemin de fer entre Paris et Tours [3]. Désormais, le trajet ne dure plus que six heures. Comme il l’explique à Mme Hanska, ce progrès l’incite davantage encore à acquérir une demeure à Vouvray : « Aucune de mes affaires n’en souffrira, car on va de Vouvray à Paris en 6 heures »[4].

 

Tours / Saché… à pied ?

Pour chaque séjour chez M. Margonne, au château de Saché, Balzac doit encore effectuer depuis Tours les « six lieues » [5] qui le séparent de Saché. Selon la tradition orale, Balzac faisait régulièrement le voyage à pied, par manque d’argent. Mais la correspondance de l'auteur témoigne d'une seule expérience de ce type ; le 16 juillet 1832, Balzac s’engage pour une longue marche entre Saché et Tours dans le but de prendre la diligence en direction d’Angoulême : « Maintenant, ma bonne mère, je suis arrivé avant-hier soir ici ; hier je me suis reposé, parce que la route par, cette chaleur m’avait horriblement fatigué, car j’avais fait à pied, à midi, le chemin de Saché à Tours »[6]Par ailleurs, on a supposé que Balzac avait effectué le trajet à pied en juillet 1830 entre la Grenadière, à Saint-Cyr-sur-Loire, et Saché, d’après le manuscrit de La Scène de village qu’il rédige en 1831 : « L’an dernier, par un des jours les plus chauds du mois de juillet, j’allai de Tours à Saché pédestrement […] »[7]. Cependant, aucun document ne permet de confirmer cette hypothèse.

 

De Tours à Saché… voyages aux frais de Balzac

L’étude de la correspondance de Balzac nous laisse plutôt entrevoir un voyageur prévoyant. Le coût du trajet Tours-Saché est finement calculé. En 1837 par exemple, il fait état à son ami Albert Marchand de la Ribellerie d’âpres négociations avec le maître de poste de Tours qu’il lui demande de bien vouloir poursuivre en son nom :

« […] fais-moi le plaisir d’aller à la poste de Tours régler avec le maître de poste lui-même une singulière difficulté que j’ai. L’année dernière, en Xbre  quand j’étais chez toi, pour aller et revenir de Saché le maître de poste m’a demandé 3 postes en m’y laissant le temps de dîner, j’y suis resté et le postillon a ramené la voiture à vide. Le jour de mon arrivée le 15 août, même marché pour m’y conduire et ramener la voiture vide, mais M. Margonne n’était pas à Saché, je suis revenu à Rigny. J’ai payé au postillon 21 francs outre que j’ai fait refroidir les chevaux et donné à manger au postillon. Le postillon m’a écrit la lettre ci-jointe pour le demander 6 postes. J’en ai payé 4 en donnant 21 francs, mais si vraiment le maître de poste abuse de son droit, ou si le postillon veut me jouer un tour ce que tu verras, alors je fais ainsi le compte : 6 postes 18 francs, 6 pourboires à 15 sous, 4 f.10 sous, total 22.50 cent. Il y a 30 sous seulement à donner pour être quitte. »[8]

 

… et voyages offerts

Pour d'autres séjours, il préviendra M. Margonne de son arrivée, en lui demandant de venir le chercher à Tours. Rappelons que M. Margonne possède son propre moyen de locomotion et qu’il emploie à demeure un cocher et un laquais. Ainsi, Balzac lui écrit en 1846 : « Si vous êtes à Saché, vous seriez bien aimable d’avoir à faire à Tours le mercredi, car j’arriverai par le 1er départ de Paris de ce jour […]. Nous retournerions ensemble à Saché ; je n’aurai pas de paquets »[9]Un an plus tard, la formulation est quelque peu similaire : « Monsieur et ami, si vous êtes à Saché comme je n’en doute pas, […] je suis sûr de pouvoir partir dimanche 1er août par le 1er convoi qui arrive je crois à 2 heures. Si vous aviez pour ce dimanche quelques visiteurs, vous seriez bien aimable de leur dire de me prendre avec eux »[10]Balzac doit finalement reporter son voyage à l’année suivante. Il annonce alors de la même manière: « Monsieur et ami, si vous voulez m’écrire le jour où vous viendrez cette semaine à Tours, de mardi à samedi, je réaliserai le projet si souvent formé de passer quelques jours avec vous dans la vallée de l’Indre »[11].

 

Christelle Bréion (musée Balzac, Saché)

 


[1] Corr., I, note 2, p.276.

[2] Lettre d’Honoré de Balzac à Albert Marchant de la Ribellerie, Saché, 21-25 août 1837, Corr., III, p.334.

[3] L’embarcadère est inauguré le 26 mars 1846. Il est construit en face du jardin de la Préfecture, au pied des remparts, à l’emplacement d’une des anciennes portes bastionnées de la ville. Cf. Jacques Maurice, « quand Tours eut –enfin- le chemin de fer », Bulletin Trimestriel de la SAT, XL, Tours, 1983, p.618 ; Amandine Olivereau, L’aménagement des infrastructures ferroviaires à Tours, un siècle de mutation (1844-1944), mémoire de Master I d’histoire de l’art, dir. Par J.-B. Minnaert, juin 2009. La gare actuelle est l’œuvre de Victor Laloux (1850-1937) ; elle est construite entre 1896 et 1898.

[4] Lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, Passy, samedi 30 mai 1846, LHB, II, p.193.

[5] « Saché est à six lieues de Tours » extrait d’une lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, mars 1833, LHB, I, p.37.

[6] Lettre d’Honoré de Balzac à sa mère, Angoulême, 19 juillet 1832, Corr., II, p.61.

[7] Première version du texte publiée par Pierre Citron, Revue d’Histoire Littéraire de la France, octobre-novembre 1959, p. 503.

[8] Lettre d’Honoré de Balzac à Albert Marchant de la Ribellerie, Saché, 21-25 août 1837, Corr., III, p.334.

[9] Lettre d’Honoré de Balzac à Jean Margonne, Passy, 31 mai 1846, Corr., V, p.117.

[10] Lettre d’Honoré de Balzac à Jean Margonne, Paris, 25 juillet 1847, Corr., V, p.237.

[11] Lettre d’Honoré de Balzac à Jean Margonne, Paris, 27 mai 1848, Corr., V, p.874.

 

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