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François Truffaut et Le Lys dans la vallée

par Anne-Marie Baron (Paris)

 

«La grande révélation, ce fut pour moi Balzac, et ce n’est pas par hasard que l’enfant des Quatre Cent Coups lui dresse un autel... », dit Truffaut à Georges Sadoul[1]. On entend même, dans Les 400 Coups, un passage de La Recherche de l’absolu, que le jeune Antoine Doinel recopie innocemment pour une dissertation, ce qui lui vaut une sévère punition : « Tout d’un coup, le moribond se dressa sur ses deux poings et jeta sur ses enfants un regard effrayé qui les atteignit tous comme un éclair. (…) »

 

Le Lys dans la vallée est sans doute le roman qui a le plus inspiré Truffaut. Il lui doit le titre de Baisers volés (1968), allusion à la première scène du roman, pour ce film où il pratique la mise en abyme : Antoine Doinel lit le roman dont la couverture apparaît en gros plan pendant quelques secondes dans sa prison militaire au début du film, et confond réalité et fiction puisqu’il identifie Fabienne Tabard à Madame de Mortsauf et se prend lui-même pour Félix de Vandenesse.

 

Dans ce film, dit Truffaut « on a l’équivalent du roman d’apprentissage en littérature. (…) Doinel doit s’insérer dans la société, trouver une profession, on le voit hésiter entre deux types de femmes (…) »[2]. Ainsi, ce film, par ses références au Lys dans la vallée et la thématique du roman d’apprentissage est imprégné de bout en bout par Balzac.

 

Truffaut disait en 1959 à Georges Sadoul dans Les Lettres Françaises, « si je dirige un jour un film d’amour, l’influence de Balzac y apparaîtra plus nettement ». Ce film d’amour sera La Peau Douce (1964). Le personnage masculin, Lachenay, lui-même écrivain et critique, écrit sur Balzac et Gide. Il n’est enthousiaste que quand il parle de Balzac et passera une soirée entière avec Nicole (Françoise Dorléac) à parler de ce dernier. Derrière cet homme mystérieux et froid, on devine la passion de Truffaut lui-même pour le romancier.

 

La statue de l’écrivain par Rodin fait deux apparitions au début et à la fin de Deux Anglaises et le Continent, film dit « le plus littéraire » de son œuvre ; au début quand Claude la fait découvrir à Anne puis dans la scène finale où Claude, quinze ans plus tard, se promène dans les jardins du musée Rodin, tandis que la voix off dit : « […] La statue de Balzac est enfin reconnue et admirée de tous ». On aperçoit aussi la photo de Balzac dans La Chambre Verte. Balzac a décidément eu une importance décisive dans les choix de cinéaste de François Truffaut et revient constamment dans toute son œuvre comme garant et référence majeure. Mais Le Lys est certainement le roman qui a le plus influencé l’œuvre du cinéaste.




[1] Truffaut par Truffaut, p. 86, propos recueillis par Georges Sadoul, Les Lettres Françaises », n°775.

[2] La leçon de cinéma de François Truffaut, INA, BNF.

 

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