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Le bac de la Chevrière - Saché

HONORÉ DE BALZAC EN TOURAINE

 

 

Avant de regagner Frapesle, je regardai Clochegourde et vis au bas une barque, nommée en Touraine une toue, attachée à un frêne, et que l'eau balançait. Cette toue appartenait à monsieur de Mortsauf qui s'en servait pour pêcher.

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée [1].

 

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À plusieurs reprises, Félix de Vandenesse, le personnage principal du roman Le Lys dans la vallée, traverse l’Indre à Saché pour aller du château de Frapesle à celui de Clochegourde. Dans le roman, Félix utilise une toue [2]. Balzac s’inspire-t-il d’un détail réel ? Comment s’effectue la traversée de l’Indre à Saché au 19e siècle ?

 

Droits de passage

Lorsque Pierre Le Breton de Neuil acquiert la seigneurie de Vonnes et la Chevrière en 1767, il obtient le droit de pêche sur l’Indre depuis le fief de Vonnes jusqu’à celui de Bécheron, de même que le droit de passage d’un bord de la rivière à l’autre [3]Comme ses prédécesseurs, il réitère un ancien accord sur la traversée de l’Indre avec le seigneur de Saché. La traversée s’effectue au « port de la Chevrière »[4], près du moulin de la Chevrière, par le biais d’une toue. Pierre Le Breton de Neuil engage un passeur, Louis Picard, dont le bail est renouvelé pendant presque 20 ans. Ce dernier doit maintenir en l’état les bateaux et le bac, de telle sorte qu’ils soient « capables de passer voitures et charrettes ». Seuls les deux seigneurs et leur personnel respectif bénéficient de la gratuité du passage [5].

 

Projets de pont

Dès 1790, les habitants de Pont-de-Ruan, Druye et Saché s’unissent pour déplorer le manque d'un pont, d’autant que le bac est souvent inutilisable, notamment en hiver lors des inondations ou lorsque le courant est trop fort [6]En 1792, les droits de passage pour bacs et ponts sont supprimés ; le bail de Louis Picard est donc résilié. On ignore ce que devient le bac de la Chevrière. Un passeur poursuit-il le travail, payé par la municipalité ? Un premier pont est-il construit à cet endroit ? [7]

 

Dans son roman Le Lys dans la vallée, Balzac évoque le « le pont du moulin Rouge » qu’il fait emprunter à son personnage  Félix de Vandenesse : « Je passai l’Indre sur le pont du moulin Rouge, et j'arrivai dans la bienheureuse toue en face de Clochegourde où brillait une lumière à la dernière fenêtre du côté d'Azay » [8].

 

Lorsque Balzac effectue son dernier séjour à Saché en 1848, il décrit à Mme Hanska la construction de l’actuelle D17 : « On fait ici une route départementale superbe qui passe par Saché et qui va relier deux points extrêmes du département, et qui comble les vœux de M. Margonne. On pourra aller de Saché à Azay par un magnifique chemin ». Il précise : « On bâtit des ponts sur tous les ruisseaux »[9].

 

On trouve trace du projet de construction d’une passerelle en bois près du Moulin rouge, daté de 1865, à l’initiative d’Hippolyte Le Breton de Vonnes, alors maire de Saché [10].

Au cours du 20e siècle, cette passerelle en bois sera remplacée par l'actuel pont métallique complété de trois ponceaux [11].

 

Christelle Bréion (musée Balzac, Saché)




[1] Pl., t. IX, p.1006.

[2] Grande barque pouvant accueillir une dizaine de passagers.

[3] André Montoux, "Deux lieux balzaciens : Vonnes à Pont-de-Ruan, La Haute Chevrière à Saché", in BSAT, XLI, 1986,

pp. 467-468.

[4] La plus ancienne mention du « port » de la Chevrière remonte à 1560. Il s’agit du premier accord conclu entre le seigneur de Saché et le seigneur de la Chevrière, précisément au sujet du « port et passage de la ryvyère de Lyndre, près la Cheveryère ». Cité par Cécile de Peyrecave et Pierre Audin, « La traversée de l'Indre à la Chevrière », Revue du Val de l'Indre, 1997, n°9, p.40), conservé aux AD37 112J8. On trouve cette mention du « port de la Chevrière » dans l’acte d’acquisition du domaine de Saché par Jean Buttet, 4 septembre 1779, AD37 112J39 f°28.

[5] Cécile de Peyrecave et Pierre Audin, art.cit., p.41.

[6] Ibid., p.43.

[7] Ibid., p.43-44.

[8] Pl., t. IX, p.1012.

[9] Lettre d’Honoré de Balzac à Mme Hanska, Saché, 13 juin 1848, LHB, II, p. 867.

[10] Ibid., p.44.

[11] Ibid., p.44.

 

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