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Le noyer

LES LIEUX DU ROMAN

 

 

À cette pensée je m'appuyai contre un noyer sous lequel, depuis ce jour, je me repose toutes les fois que je reviens dans ma chère vallée. Sous cet arbre confident de mes pensées, je m'interroge sur les changements que j'ai subis pendant le temps qui s'est écoulé depuis le dernier jour où j'en suis parti.

 

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée

 

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Félix de Vandenesse s’arrête, lors de son arrivée en vue de Saché, sous un noyer. Moment important car, découvrant pour la première fois la vallée de l’Indre, il suppose (à juste titre) que la femme rencontrée au bal (madame de Mortsauf) ne peut qu’habiter en cet endroit :

 

– Si cette femme, la fleur de son sexe, habite un lieu dans le monde, ce lieu, le voici ? À cette pensée je m'appuyai contre un noyer sous lequel, depuis ce jour, je me repose toutes les fois que je reviens dans ma chère vallée. Sous cet arbre confident de mes pensées, je m'interroge sur les changements que j'ai subis pendant le temps qui s'est écoulé depuis le dernier jour où j'en suis parti. Elle demeurait là, mon cœur ne me trompait point : le premier castel que je vis au penchant d'une lande était son habitation. Quand je m'assis sous mon noyer, le soleil de midi faisait pétiller les ardoises de son toit et les vitres de ses fenêtres. Sa robe de percale produisait le point blanc que je remarquai dans ses vignes ! sous un hallebergier. Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, le lys de cette vallée où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus.

 

Ce noyer est évoqué plusieurs fois dans le roman. Lorsque Félix de Vandenesse y emmène madame de Morsauf : 

 

Je partis au commencement de la nuit, elle voulut m’accompagner par la route de Frapesle, et nous nous arrêtâmes au noyer ; je le lui montrai, lui disant comment de là je l’avais aperçue quatre ans auparavant :

— La vallée était bien belle ! m’écriai-je.

— Et maintenant ? reprit-elle vivement.

— Vous êtes sous le noyer, lui dis-je, et la vallée est à nous !

 

Ou lorsque Madame de Morsauf s’inquiète d’une retrouvaille entre Félix et son amante Lady Dudley dans les landes de Charlemagne :

 

 Elle vous attend ? reprit-elle.

 Oui.

— À quelle heure ?

 Entre onze heures et minuit.

 Où ?

 Dans les landes.

 Ne me trompez point, n'est-ce pas sous le noyer ?

 Dans les landes.

 Nous irons, dit-elle, je la verrai.

 

Vers la fin du roman, Félix, revenant à Clochegourde, s’arrête de nouveau sous le noyer :

 

Je partis de Tours à cheval pour Clochegourde. [...] Je pris le chemin que j'avais parcouru pédestrement six ans auparavant, et m'arrêtai sous le noyer. De là, je vis madame de Mortsauf en robe blanche au bord de la terrasse. Aussitôt je m'élançai vers elle avec la rapidité de l'éclair, et fus en quelques minutes au bas du mur, après avoir franchi la distance en droite ligne, comme s'il s'agissait d'une course au clocher. Elle entendit les bonds prodigieux de l'hirondelle du désert, et, quand je l'arrêtai net au coin de la terrasse, elle me dit :  Ah ! vous voilà !

 

Si Le Noyer de Félix tient une place importante dans l’histoire, les noyers, pour d’autres raisons, reviennent plusieurs fois dans le roman : Balzac évoque le froid de l’ombre de cet arbre qui rend malade Monsieur de Mortsauf ou la culture pour faire de l’huile de noix, source de revenu potentielle pour Jacques, le jeune fils de Madame de Morsauf :

 

Jacques fut moins heureux pour la cueillette de ses noyers il plut pendant quelques jours ; mais je le consolai en lui conseillant de garder ses noix, pour les vendre un peu plus tard. Monsieur de Chessel m'avait appris que les noyers ne donnaient rien dans le Bréhémont, ni dans le pays d'Amboise, ni dans celui de Vouvray. L'huile de noix est de grand usage en Touraine. Jacques devait trouver au moins quarante sous de chaque noyer, il en avait deux cents, la somme était donc considérable !

 

Et en effet, nous apprenons un peu plus loin qu'avec l'argent des ventes, Jacques s’est offert des vêtements.

 

L'enfant eut un joli habillement de cavalier, acheté sur le produit des noyers.

 

 

 

LE NOYER DANS LA RÉALITÉ

 

La tradition orale affirme que Balzac, lors de son/ses trajet/s à pied pour venir à Saché, se reposait tel son personnage, sous un noyer à proximité du bourg d’Artannes. Il existe dans ce bourg un noyer dit « de Balzac » et une « rue du Noyer de Balzac ». Notons que dans sa correspondance Balzac ne fait pas référence à un noyer sous lequel il se serait arrêté lors de ses trajets entre Tours et Saché.

 

Nathanaël Gobenceaux (musée Balzac, Saché)

 

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