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Les premières illustrations du Lys

Lors de l’élaboration du projet d’édition de La Comédie humaine en plusieurs tomes par Furne, J.-J. Dubochet et Cie, J.Hetzel et Paulin, Honoré de Balzac demande à ce que différents artistes travaillent à la représentation de ses personnages [1]Pour illustrer Le Lys dans la vallée (1844), c’est Bertall qui est chargé de représenter le comte et la comtesse de Mortsauf. Il dessine le premier appuyé sur une canne et vieillissant puisque « âgé seulement de quarante-cinq ans, il paraissait approcher de la soixantaine, tant il avait promptement vieilli dans le grand naufrage qui termina le dix-huitième siècle. »

 

 

Cependant, malgré ses plaintes constantes, le comte est un homme solide dont les « pommettes, saillantes et brunes au milieu des tons blafards de son teint, indiquaient une charpente assez forte pour lui assurer une longue vie. ». Son physique traduit aussi son intransigeance : « Son œil clair, jaune et dur tombait sur vous comme un rayon du soleil en hiver, lumineux sans chaleur, inquiet sans pensée, défiant sans objet. Sa bouche était violente et impérieuse, son menton était droit et long. »

 

Balzac donne également des indications permettant de dessiner le visage du comte, dont « [l]a demi-couronne, qui ceignait monastiquement l'arrière de sa tête dégarnie de cheveux, venait mourir aux oreilles en caressant les tempes par des touffes grises mélangées de noir. Son front plat, trop large pour sa figure qui finissait en pointe, ridé transversalement par marches inégales, annonçait les habitudes de la vie en plein air et non les fatigues de l'esprit, le poids d'une constante infortune et non les efforts faits pour la dominer. ». Enfin, « son habillement était celui du campagnard ».

 

 

 
La comtesse de Mortsauf est représentée entourée de Jacques et Madeleine, dans une posture toute maternelle qui correspond à la description que Balzac fait de ce personnage dévoué à ses enfants : « Ses yeux verdâtres, semés de points bruns, étaient toujours pâles; mais s'il s'agissait de ses enfants, s'il lui échappait de ces vives effusions de joie ou de douleur, rares dans la vie des femmes résignées, son œil lançait alors une lueur subtile qui semblait s'enflammer aux sources de la vie et devait les tarir ».
 
 

Dans une nouvelle édition Marescq de 1857, une gravure assez étonnante remplace celle du comte de Mortsauf et semble avoir été utilisée par défaut [2]. Elle représente un paysage de haute montagne bien peu ressemblant à la vallée de l’Indre et portant la légende suivante : … L’œil embrassait la vallée depuis la colline… Les autres illustrations de cet ouvrage, pour la plupart réalisées par G. Staal, s’éloignent de ce que Balzac avait souhaité de son vivant : moins figés, les personnages sont représentés en action dans des contextes précis.

 

 

 

Élise Gaborit (musée Balzac, Saché)

 


[1] Les dix-sept volumes de La Comédie humaine qui paraissent entre 1842 et 1848 comportent des illustrations réalisées par Daumier, Tony Johannot, Meissonier, Gavarni, Henri Monnier, Bertall, Nanteuil, Gérard-Séguin, Français, Charles Jacques… Gravées sur bois de bout par des graveurs renommés tels que Godard et Brévière, les images sont insérées en hors-texte dans les volumes. Balzac a fixé ses conditions : les artistes doivent réaliser uniquement des portraits statiques des personnages, fidèles à ses descriptions. Pour parvenir à ce résultat, « il est indispensable que les dessinateurs lisent le livre » (lettre de Balzac à son éditeur Hetzel, octobre 1841, Corr. Pl., t.II, 41-109, p.940) qui contient toute la matière nécessaire à la réalisation de leurs portraits. Car Balzac aime décrire ses personnages principaux avec précision. Il est sensible aux théories comme la physiognomonie de Lavater selon laquelle les traits physiques d’une personne sont étroitement liés à son caractère.

[2] Maurice Sand, fils de la célèbre romancière, avait vraisemblablement réalisé ce dessin pour Le Piccinino à l’occasion de l’édition des Œuvres illustrées de George Sand, par J. Hetzel (1852-1856). L’illustration correspond bien mieux à l’histoire, qui se déroule près des sommets de l’Etna, ainsi qu’à la légende « Tiens, la voilà, cette croix !... ». Par erreur, ou pour remplacer le bois gravé représentant le comte de Mortsauf qui avait peut-être été égaré, les imprimeurs ont utilisé cette étonnante gravure qui sera parfois reprise dans des éditions ultérieures du Lys dans la vallée. Il semble en effet que l’édition Lévy des Œuvres illustrées de Balzac (1867) ait intégré soit l’illustration du comte de Mortsauf, soit celle du paysage de haute montagne, selon les exemplaires.

 

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