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Frapesle

LES LIEUX DU ROMAN

 

 

Nous étions en vue d’une porte en bois par laquelle on entrait dans le parc de Frapesle, et dont il me semble encore voir les deux pilastres ruinés, couverts de plantes grimpantes et de mousses, d’herbes et de ronces.

 

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée

 

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Félix de Vandenesse loge au château de Frapesle lors de ses séjours dans la vallée de l’Indre. Au début de roman, la propriété de M. de Chessel, ami de la famille Vandenesse, constitue un lieu de convalescence pour le jeune Félix, retiré du collège de Pont-le-Voy où il était malheureux ; son père avait « conçu quelques doutes sur la portée de l'enseignement oratorien, et vint [l’]'enlever […] pour [l]e mettre à Paris dans une Institution située au Marais ».[1] C'est également le moment où Félix vient de rencontrer pour la première fois madame de Mortsauf à Tours, ce qui l’a plongé dans l'apathie. Il vient donc à la campagne pour reprendre des forces :

 

La campagne, cet éternel remède des affections auxquelles la médecine ne connaît rien, fut regardée comme le meilleur moyen de me sortir de mon apathie. Ma mère décida que j'irais passer quelques jours à Frapesle, château situé sur l'Indre entre Montbazon et Azay-le-Rideau chez l'un de ses amis, à qui sans doute elle donna des instructions secrètes.

 

Si Frapesle est cité très souvent, le château n’est pratiquement pas décrit dans le roman. On retrouve certains éléments de façon très fragmentaire.

 

L’entrée du parc. Nous étions en vue d’une porte en bois par laquelle on entrait dans le parc de Frapesle, et dont il me semble encore voir les deux pilastres ruinés, couverts de plantes grimpantes et de mousses, d’herbes et de ronces.

Une grande cour : Nous entrâmes dans la grande cour de Frapesle, où nous trouvâmes la compagnie.

Des tours : En voyant de là les tours de Frapesle éclairées par la lune, souvent je me disais : « Il dort, et je veille pour lui ! »

Une évocation des terres rattachées au château : La terre de Frapesle est immense. En présence de son voisin et devant tout ce luxe, le comte de Mortsauf, réduit au cabriolet de famille, qui en Touraine tient le milieu entre la patache et la chaise de poste, obligé par la médiocrité de sa fortune à faire valoir Clochegourde, fut donc Tourangeau jusqu'au jour où les faveurs royales rendirent à sa famille un éclat peut être inespéré.

Et une cloche qui, comme celle de Saché annonçait le repas à Balzac, appelle les hôtes de Frapesle : Puis enfin j'atteignis un parc orné d'arbres centenaires qui m'indiqua le château de Frapesle. J'arrivai précisément à l'heure où la cloche annonçait le déjeuner. Après le repas, mon hôte, ne soupçonnant pas que j'étais venu de Tours à pied, me fit parcourir les alentours de sa terre où de toutes parts je vis la vallée sous toutes ses formes [...].

 

À la fin du roman, les souvenirs douloureux font des séjours à Frapesle une épreuve pour Félix :

 

Je vous l'avoue, je ne voulus point retourner à Clochegourde, il me répugnait de me retrouver à Frapesle d'où je pouvais voir le castel d'Henriette.

 

Plusieurs fois dans le roman Balzac compare, oppose ou associe Frapesle à Clochegourde par la voix de son protagoniste. Face à face, on peut se voir d’un château à l’autre [2] :

 

Aussi se sont-ils toujours vus poliment mais sans aucun de ces rapports journaliers sans cette agréable intimité qui aurait dû s’établir entre Clochegourde et Frapesle, deux domaines séparés par l’Indre et d’où chacune des châtelaines pouvait, de sa fenêtre faire un signe à l’autre.

 

Félix compare les châteaux à des produits luxueux :

 

J’écoutais ses plans avec admiration. Enfin, flatterie involontaire qui me valut la bienveillance du vieux gentilhomme, j’enviais cette jolie terre, sa position, ce paradis terrestre en le mettant bien au-dessus de Frapesle.

— Frapesle, lui dis-je, est une massive argenterie, mais Clochegourde est un écran de pierres précieuses !

 

Ce roman, cette vallée ne sont finalement qu’un itinéraire, des allers et retours bornés par ces deux châteaux. L’intervalle étant souvent peuplé de souvenirs agréables.

 

Nous reprenions nos souvenirs, nos yeux allaient de la vallée aux clos, des fenêtres de Clochegourde à Frapesle, en peuplant cette rêverie de nos bouquets embaumés, des romans de nos désirs.

 

 

FRAPESLE EN RÉALITÉ

 

Frapesle est vraisemblablement une transposition du château de Valesne situé sur la commune de Saché. Balzac songe d’abord à l'appeler Falesne avant de s’arrêter sur Frapesle.[3]. Le château de Valesne apparait dans d’autres textes de Balzac : Voyage de Paris à Java et dans le conte drolatique La Pucelle de Thilouze.

 

Nathanaël Gobenceaux (musée Balzac, Saché)

 

[1] Par bien des points, Balzac met de lui-même dans Félix ; c’est le cas avec ces éléments qui se rapprochent de la biographie de l’écrivain – dans la réalité il s’agit du collège de Vendôme, évoqué dans Louis Lambert.

[2] On considère que Frapesle s'inspire de l'emplacement du château de Valesne et que Clochegourde s'inscrit dans l'environnement du château de La Chevrière : les deux châteaux réels se font effectivement face, situés tous deux de part et d'autre de l'Indre. Néanmoins, Balzac situe ses châteaux fictifs à une moindre distance que les châteaux réels puisqu'il imagine les personnages se voyant d'un lieu à l'autre, ce qui est impossible de Valesne à La Chevrière.

[3] La première partie du manuscrit du roman désigne ce château sous le nom de Falesne qui devient Frapesle dans les placards, en hommage sans doute à Zulma Carraud, amie de Balzac qui possède une demeure à Issoudun du même nom.

 

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