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Chloé_Delaume_à_Saché

Récit du séjour littéraire de Chloé Delaume à Saché en février 2014,

par Nathanaël Gobenceaux, médiateur au musée Balzac.

 

 

(tout est presque vrai, mais rien n’est tout à fait exact)

Citation de mémoire faillible

 

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chloé delaume @chloe_delaume 12 févr.

Résidence à Saché : Balzac, Félix, Henriette. Ecrire sur Le lys dans la vallée.

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La télé ça agrandit. Ça donne une aura.

La radio aussi.

Les grosses lunettes noires idem.

 

La télé ça agrandit.

L’image d’abord. Celle de ces lunettes dans le poste, justement. Situer le personnage même si pas encore lu la prose flamboyante, la prose noire, la prose autofiction.

 

Préparation. J’ai tout vu tout écouté, et lu pas mal. Alors Impression, genre fan de « rappelez-vous c’est moi qui vous ai vu à la télé l’autre jour ».

 

Du saut des lieux. Depuis Beyrouth :

« Parlez-moi des dealers du dix-neuvième ou de Balzac à Saché. » (Où le sang nous appelle)

D’abord, associations de temps, je lis dix-neuvième comme XIXème siècle. Obnubilation Balzac. Seconde lecture du passage nécessaire, pour faire passer le temps en géographie et le siècle en arrondissement.

 

Saché. Projet monté, rencontre. Balzac. Henriette. Tout de suite Henriette. Les questions sur Henriette. Moi je visualise les paysages, je me souviens des lieux pas des gens. Alors Henriette, blonde ou brune ? Il faut que j’aille vérifier.

 

L’écrivain. Le look du personnage. Chloé Delaume est un personnage de fiction. C’est la première fois que je rencontre en vrai un personnage de fiction. Le monde et l’au-delà du monde. Elle se projette.

« La seule chose dont elle soit certaine c’est qu’elle veut modifier le réel. Le sien, bien sûr, pour commencer. Mais ce serait plus utile à l’échelle nationale. » (Où le sang nous appelle)

 

La télé ça agrandit.

La réalité ça fait que l’écrivain rétrécit. L’image remplacée par l’humain.

 

Ici, les Coca light ont pris quartier dans le frigo.

Balzac → café

Chloé Delaume → Coca ou Redbull.

 

3 jours. Le 1.

 

Chloé Delaume arrive avec une poche de mythes autour de Balzac. La faute à un guide d’il y a 25 ans, lors de sa précédente visite au musée, voyage scolaire au Lycée. Les mythes modernes sont encore moins compris que les mythes anciens, quoique nous soyons dévorés par les mythes. Les mythes nous pressent de toutes parts, ils servent à tout, ils expliquent tout. (Balzac dans La Vieille Fille). Les mythes n’ont pas troué la poche. Et les souvenirs sont vivaces.

Balzac travaillait assis dans son lit en mangeant une 10aine de poulets et cent huîtres. C’est ce qu’on m’a dit. Je le répète.

 

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Le château de Saché est lié au Lys dans la vallée. Je suis en train de m'engueuler avec Henriette de Mortsauf #RésidenceBalzac #écriture

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S’imprégner des lieux. Le musée, les châteaux du Lys. Nettoyer la précédente poche. Clarifier la géographie. Documenter Madame de Mortsauf.

Génial ! visiter un château habité j’ai jamais fait ça la dame de Vonnes génial ! la particule elle doit être comtesse c’est sûr.

 

 

3 jours. Le 2.

 

Journée châteaux.

 

VALESNE. Les trente ? pièces, le Frapesle du Lys.

Nous nous garons près du portail. Sur le chemin boueux je glisse quelques infos Au début Balzac a pensé appeler son château Falesne avant de s’arrêter sur Frapesle etc… Nous regardons l’oratoire de Balzac, les tours. Elle aime les tours & tourelles. Je ne sais pas cadrer répète-elle à presque chaque photo. Les fresques néo-gothiques début XXe, elle les photographie avec son téléphone portable.

Tu as vu les visages des femmes. Le peintre devait avoir un problème avec les femmes, avec sa mère. Ou alors c’est un sado maso tendance soumis.

 

Balzac : Avec le Lys j’ai voulu faire le premier roman du paysage. La nature c’est pas son dada à Chloé. À la responsable du musée :

T’es sûre que tu veux aller te promener en forêt, louloute. Il fait froid et y’a de la boue. T’avais raison, c’est mieux de mettre les boots.

 

LA CHEVRIÈRE. Fallait pas raconter l’histoire du chien gros comme un mouton. Les chiens elle aime pas trop. Les chats c’est bon (elle a son Temesta siamois). Les chiens petits taille-chat-Yorkshire du bar du village, c’est copain-copain. La Chevrière. L’épagneul qui saute comme un malade parce qu’il est content d’avoir de la visite, elle tourne dans tous les sens aussi pour le fuir, lui court encore plus.

 

VONNES. 16h. Nous allons chez la comtesse pour le thé. Et si Madame de Morsauf avait survécu, immortelle... Il pleut. L’appareil photo fait la netteté sur les gouttes écrasées sur la fenêtre et donne l’arrière-plan paysage flou. Vonnes, le Clochegourde du Lys, son préféré des 3 châteaux, je crois.

 

Chloé Delaume est un personnage de friction. Elle se frotte à la nuit. Balzac se couchait tôt et se levait tôt (vers 2h du mat’). Ici ça tire plutôt sur George Sand, le rythme, travailler la nuit, se coucher vers 6/8h. Dormir le matin. Sauf les enfants (George s’en occupait l’après-midi). Fumée sur les marches du château, devant l’accueil : elle n’en veut pas de descendance, de famille. « fille de rien, reliée à personne, absolument personne » (Où le sang nous appelle).

Elle écrit la nuit. Mais redoute le silence.

J’ai négocié qu’on ne ferme pas les volets. Et j’aime entendre le camion poubelle passer.

Ce tapis sonore & urbain il n’est pas là, à Saché. Les bruits de la nuit : la charpente qui grince le parquet qui craque. Elle dit regarder un film sur l’ordinateur, pour meubler la nuit.

 

3 jours.

Nous causons de Balzac, mais aussi de rien.

De Cercle et Haenel. D’Enard et de Zone

/ Les lectrices / M. Larnaudie, O. Rohe

De l’Eddy Bellegueule à la mode.

Du potentiel vendeur des magazines de psychologie.

De toute façon ce qui fait vendre ce sont les magazines féminins. Psychologie magazine c’est le mieux. Un papier dans ELLE c’est bien aussi.

 

3 jours.

Nous causons de Balzac, mais aussi du reste.

Le cri du sablier écrit dans un moment d’urgence & pulsion.

Écrire pour soi, pas pour la descendance.

J’ai négocié avec mon éditeur. Il ne me pousse pas à sortir des trucs en septembre. Quand je vends bien c’est 7500 exemplaires. Quand c’est moins bien c’est 4500. J’ai toujours un noyau qui me suit.

 

Puis elle lit le Lys dans la vallée, sur l’ordinateur, le site Lys en construction ; elle nous lit Le Lys dans la vallée. Lecture comparative de la 1ère et de la 2ème édition du roman.

C’est amphigourique le style de Balzac. Si j’étais  éditeur, je le refuserais.

La fin, la version coupée par Balzac, visiblement sur conseil de la lectrice et modèle Laure de Berny. Elle promet de triturer cet extrait. RDV le 17 mai pour entendre.

 

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Henriette me soutient qu'elle a craché le morceau à Félix avant de mourir, mais que Laure de Berny a demandé à Balzac de la couper. #vérif

 

Une tirade capitale de Mme de Mortsauf a effectivement été supprimée entre l'édition de 1836 et celle de 1839.

 

Madame de Mortsauf n'était pas si irréductiblement gourde dans la 1ère édition du Lys dans la vallée. Laure de Berny l'a muselée. Condamnée.

 

Il y a quelque chose de pervers et barré chez Mme de Mortsauf, qui tombe désormais à plat. À cause de cette coupe voulue par Laure de B.

 

Le personnage a été victime de son inspiratrice, l'auteur s'est rangé du côté du réel. Henriette pouvait rester une quiche, tant pis.

 

Je ne m'attendais pas à découvrir que le personnage de fiction qui m'énerve le plus (après Gervaise), pouvait être autant à plaindre.

 

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3 jours. Le 3.

Après le moment presse nous faisons un petit tour du musée. Chloé s’arrête devant le grand portrait en pied et taille quasi réelle de la fille de Madame Hanska. Nous nous entendons sur le fait qu’elle n’est pas belle, cette Anna. Un instant devant les manuscrits ; elle raconte le crétin mal interprété par un typographe (Balzac s’adressait au typographe alors que ce dernier croyait que c’était à ajouter dans le texte) ; mythe de guide ? à vérifier aussi. Dans la chambre, tour au Christ accroché au-dessus du lit.

Il est chelou, tu trouves pas ? Cette tête on dirait un zombi.

 

Nous nous installons un moment dans la tour ronde. Le ventre du château. Elle s’extasie devant puis sur la méridienne.

Je n’ai jamais fait d’analyse.

J’ai un petit air de psy, avec mes lunettes rondes, le psy Balzacineur. Je fais parler pour préparer le petit film. Balzac tu l’as lu à quel âge ? Tu as tout lu ? Ton préféré ? Les réponses sont plus intelligentes que les questions. Heureusement.

Dérive sur la forêt des bouquins, sur Francis Lalanne. Nous évoquons Proust et Flaubert ; le premier ne passe pas (elle relève : un écrivain qui raconte sa vie de petit bourgeois …pas surprenant…). Le romantisme (elle n’est pas romantique …pas surprenant… plutôt genre y’a pas d’amour, que des preuves d’amour dit-elle).

 

À l’heure de la digestion, nous nous installons dans le grand salon pour faire une petite interview filmée. Lumière de côté, arrière-plan XIXè siècle en tentures trompe l’œil aux lions. Une dernière fois Madame de Mortsauf, une dernière fois les châteaux.

Ta rencontre avec Balzac ?

J’ai lu presque tout Balzac, l’édition Conard, à 20 ans, en vacances dans la Creuse. Pas les trucs sur l’art, mais plutôt autour de l’ésotérisme, Swedenborg, Séraphita tu vois.

Ton préféré ?

Illusions perdues, c’est d’actualité, encore.

 

</Chloé_Delaume_à_Saché>

 

 

 

 

 

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